L’Affaire « 53 jours », volume 2 : peut-on douter de la paternité de Georges Perec ? État des lieux d’une enquête en cours.
« Que voulez-vous que je fasse ? Je ne suis pas détective »
Georges Perec, « 53 jours » [1]
Le point de départ de l’enquête dont il va être question dans cet article remonte à quelques années : me lançant dans des travaux de recherche sur la multiplication des récits dans le roman des années 1960 à nos jours [2], je décide de m’intéresser d’un peu plus près à ce petit roman étonnant qu’est « 53 jours », moins évident que La Vie mode d’emploi comme terrain d’investigation ; si l’auctorialité et ses jeux de dupes sont au cœur de l’intrigue policière qui se déploie dans ce singulier récit à double détente, il ne m’apparaît cependant pas au premier regard que l’on pourrait pousser le doute au-delà des frontières de la fiction, et remettre en cause ce que la couverture de mon édition Folio affiche :
Georges Perec
« 53 jours »
roman
Texte établi par Harry Mathews et Jacques Roubaud
Cependant, plusieurs éléments intrigants me conduisent, pendant ces recherches, à douter de l’imperméabilité de cette frontière. Ceux-ci ne concernent pas en premier lieu le roman de Perec, mais d’autres œuvres que j’étudie : c’est ainsi que je m’aperçois, après quelques mois, qu’un des textes britanniques de mon corpus existe en réalité en deux versions originales concurrentes, ce dont l’auteur lui-même n’était pas au courant – moins encore ses éditeurs [3] ; je découvre également qu’un jeu dans l’impression d’un autre ouvrage de mon corpus, connu pour pousser très loin les manipulations de l’objet livre [4], n’en est en fait pas un mais bel et bien une erreur de fabrication, entrant très étrangement en résonance avec encore un autre des textes que j’explore, Si (par) une nuit d’hiver un voyageur et les mésaventures de son Lecteur sans cesse empêché de lire la suite du dernier roman d’Italo Calvino en raison, notamment, de divers défauts de fabrication [5].
Puisque tous les romans que j’étudiais, ou presque, semblaient marqués par une forme d’instabilité ontologique, contaminant l’expérience de lecture, il a paru nécessaire de faire preuve d’un peu plus de méfiance : c’est dans ce cadre de suspicion généralisée vis-à-vis de mon propre corpus de travail que j’ai découvert pour la première fois l’article de Cédric Bachellerie[6] évoquant un possible complot autour de la paternité de « 53 jours »… ou de la mort de Georges Perec.
Je n’ai pas creusé davantage pendant ces travaux de recherche la piste d’une supercherie autour de « 53 jours » ; mais le doute persistait, comme un bruit de fond. Il a resurgi avec force lors d’un enseignement donné à l’université de Tours en 2017, faisant figurer « 53 jours » au programme d’un cours sur l’enchâssement narratif, aux côtés de Si (par) une nuit d’hiver un voyageur : sans que je n’évoque le sujet, une étudiante est un jour venue me faire part de ses propres soupçons. J’ai raconté cette histoire ailleurs [7], que je ne développe donc pas davantage ici, si ce n’est pour dire que l’enquête que cette étudiante m’avait promise n’a jamais été livrée, l’étudiante n’ayant pas achevé son semestre. Il va sans dire que j’ai complètement perdu sa trace.
Ce qui s’apparentait donc à un bruit parasite est peu à peu devenu pour moi une petite obsession : Georges Perec est-il vraiment l’auteur de « 53 jours » ? Quel est le rôle réel de Harry Mathews et Jacques Roubaud dans la naissance de cette œuvre ? Que faire des coïncidences presque trop explicites entre la fiction et le monde dans lequel elle s’insère ? Est-il possible de construire une investigation, et sur quel terrain la mener ? Au gré d’un séjour de recherche dans une villa florentine, en novembre 2019, j’ai été amenée à présenter la première étape de cette enquête : je propose de rendre compte de ses résultats dans la première partie de cet article. Cette présentation a conduit à d’intéressants échanges avec d’autres participants de ce huis-clos italien [8], dont j’ai conservé quelques notes qui me sont désormais complètement cryptiques : « Stendhal pourtant Perec non », ou encore « voir Vila-Matas ». Les pistes ébauchées méritaient donc d’être prolongées par un travail plus conséquent, quelques séjours dans les archives, des rencontres ; rien de tout cela n’a pu avoir lieu depuis, en raison de la crise sanitaire que nous traversons. Il s’agit donc pour moi de présenter dans cet article la suite de mes investigations, mais il me faut avertir la lectrice, le lecteur : l’enquête est loin d’être achevée.
Résumé d’une enquête en cours : l’hypothèse d’une supercherie potentielle
L’hypothèse développée dans le volume 1 de cette enquête résidait dans l’idée de l’existence d’un trouble dans l’attribution de « 53 jours » : la présentation même du roman suggère que l’entière paternité de l’œuvre – c’est-à-dire du texte, mais aussi de l’intrigue, du style, de l’agencement en chapitres, etc. – repose dans les mains de Georges Perec, tandis que Mathews et Roubaud ne seraient les auteurs que des portions apparaissant en italiques dans l’édition Folio, soit les cinq paragraphes qui ouvrent la troisième partie de l’œuvre intitulée « Le dossier [9] ». Leur rôle se cantonnerait à l’« établi[ssement] » du texte : le vocable lui-même reste assez flou [10] et peut impliquer une forme d’intervention difficilement mesurable.
Plus encore, l’intrigue du roman, se déployant autour de la disparition d’auteurs laissant derrière eux des manuscrits inachevés dans lesquels on pourrait découvrir les raisons de leur disparition, appelle à une lecture de type décryptage : quelque chose s’est joué dans sa fabrication. On peut ainsi douter, par exemple, de la nature de la première partie de l’œuvre, entièrement dactylographiée, quand on sait qu’un des pièges ourdis par Serval et Lise dans cette même première partie repose précisément sur le fait que le manuscrit laissé à l’attention du narrateur est dactylographié, à l’aide d’une machine à écrire spécifique, sur la trace de laquelle ce dernier va se lancer : c’est ainsi qu’il rencontrera Lise, dont il tombera amoureux, et que le piège se referme. Si la lecture est par essence piégée, il apparaît que chercher à déterminer la paternité réelle de « 53 jours » en lisant entre les lignes est peut-être une voie sans issue : ce serait précisément à ce niveau de lecture secondaire, herméneutique, que se situerait la supercherie. L’instabilité première n’est alors pas tant celle de l’auteur de l’œuvre que du texte lui-même, auquel on ne pourrait jamais vraiment se fier, à l’image de la structure du récit en elle-même construite sur un enchâssement inverse, de sorte que le lecteur ne comprend qu’une fois arrivé à la deuxième partie qu’il était en train de lire un récit enchâssé, fictif au sein de la fiction.
Si la piste de l’approfondissement de l’œuvre par la lecture d’investigation – lire non pas pour savourer l’intrigue mais pour « y chercher des éléments susceptibles de nous fournir des indications […] [11] » – est sujette à caution, il est possible d’en suivre une autre : non plus lire entre les lignes, mais « entre les livres [12] ».
La première partie de cette enquête a ainsi permis de mettre au jour d’étranges circulations entre les travaux de Perec et ceux de Mathews. Mais elle a aussi fait émerger une posture de lecture relativement inconfortable, dans laquelle tout l’édifice de l’œuvre semblait devenir suspect : l’instabilité s’est généralisée, si bien que l’enquête textuelle a commencé à se teinter d’une couleur paranoïaque qu’il a bien fallu prendre en compte. Je me suis donc proposée, dans le volume 1 de cette enquête, de ne pas résister à cette pente de la paranoïa, que j’avais désignée comme une mauvaise lecture, anticipant de peu la parution de l’ouvrage de Maxime Decout et son Éloge du mauvais lecteur [13].
Présentée comme une possible approche critique du texte prônant le décalage, cette lecture paranoïaque semble être une voie légitime pour mener cette enquête, appelée en quelque sorte par le texte comme le suggère Maxime Decout : « En effet, le texte peut parfois élaborer un dispositif qui vous change en mauvais lecteur, en particulier dans les polars et les récits imposteurs qui ont besoin que vous tombiez dans leurs pièges [14] ».
Ce genre de texte, dans lequel on peut placer « 53 jours », favorise « l’hystérie interprétative » et permet le développement d’un « fanatisme herméneutique » : c’est ainsi que se crée le décalage, que l’on peut tout aussi bien comprendre comme la bascule de « l’interprétation » vers la « surinterprétation [15] ». Présenté ainsi, il semblerait bien qu’il faille à tout prix éviter ce type d’approche des textes : pourtant, « l’erreur et l’aberration peuvent être tenues pour des modalités particulières de l’hypothèse » et la mauvaise lecture de cette façon « part à la recherche de cadres conceptuels non encore advenus [16] ». Cette lecture en décalage que je me proposais de suivre dès les premiers temps de cette enquête rejoint donc le « genre de l’intranquillité [17] » que peut susciter la mauvaise lecture.
C’est en appliquant cette méthode construite dans la (mauvaise) lecture même du texte que l’investigation a pu faire émerger une hypothèse concrète : Perec ne serait pas l’auteur de la première partie dactylographiée, mais de l’ensemble des notes laissées en chantier, parmi lesquelles Harry Mathews et Jacques Roubaud auraient pioché pour reconstituer la seconde partie, et qu’ils auraient complétée d’une première partie en guise d’hommage. Le modèle du Voyage d’hiver et de ses suites a servi à établir cette hypothèse, et en particulier « Le Voyage d’hier » de Jacques Roubaud, suspect plus discret jusqu’à présent, œuvre dans laquelle on retrouve évoquée une partie de la trame de « 53 jours ».
« Le livre était bien la seule "cue"[18] » : faire confiance à la surface du texte
Le volume 1 de cette enquête en cours s’achève sur la formulation de cette hypothèse, suggérant que tout était écrit dans l’œuvre, que le méfait était signé à la surface des textes : c’est de là que je souhaiterais repartir pour prolonger l’investigation, c’est-à-dire de la confiance que l’on peut accorder à ce qui s’inscrit explicitement à la surface du texte. Cette confiance, sans doute un peu aveugle compte tenu de ce que je viens d’exposer et de la nature piégeuse de l’œuvre même, est à penser comme une forme de contre-pouvoir, de mouvement contraire à la tentation paranoïaque précédemment évoquée. Celle-ci, en effet, est une force bien puissante qui fait courir le risque du « dérap[age][19] », du décalage devenu hors de contrôle. Pour maintenir la mauvaise lecture dans les clous de l’interprétation fertile, il paraît nécessaire d’en revenir au texte.
Cette seconde méthode de lecture, venant compléter la mauvaise lecture paranoïaque, peut être dite « superficielle [20] » : comme l’écrit Italo Calvino, « c’est seulement après avoir connu la surface des choses […] qu’on peut aller jusqu’à chercher ce qu’il y a en dessous. Mais la surface des choses est inépuisable [21] ». On rejoint là la première valeur de l’épimodernisme, notion proposée par Emmanuel Bouju à partir des Leçons américaines de Calvino pour tenter de penser ces œuvres d’après le modernisme, d’après le postmodernisme ou à côté de celui-ci [22] : la superficialité y est une notion clef, en ce qu’elle investit la surface du texte comme lieu d’émergence d’un dialogue avec les autres œuvres dans une logique « épigraphique », citationnelle. Or, c’est précisément ce que le premier volume de cette enquête a montré : « 53 jours » est un tissu de reprises, d’allusions et de citations – à la Chartreuse de Parme, bien sûr, mais aussi à certains romans de Mathews, et à tout un ensemble d’œuvres fantomatiques, mi-fictionnelles mi-détournées.
Reprenons donc cette enquête à partir de ce que dit le texte, et précisément de ce qui apparaît page 53 de l’édition Folio (il n’y a pas de hasard) :
QUI
COMMENT
POURQUOI
AVEC QUI
EN SE FAISANT PASSER POUR
EN DÉTOURNANT LES SOUPÇONS SUR [23]
Ces six questions doivent me servir de guide pour tenter d’avancer dans mes hypothèses, et la première est sans doute la plus importante : qui, dans le texte, a pu jusqu’à présent passer entre les mailles de l’enquête ? On sait l’importance accordée par Perec à la question du nom : si l’on veut vraiment mettre en œuvre une lecture superficielle, il faut donc prendre ces noms au pied de la lettre, et littéralement tenter de les lire. Serval, dont on sait qu’il s’agit d’un nom d’emprunt pour Stéphane Réal, une allusion parmi toutes les autres au roman de Stendhal, est le nom qui circule le plus dans l’ensemble de l’œuvre [24] ; c’est un nom lesté, irradiant, qui dès lors qu’on cherche à l’interpréter fait replonger dans la paranoïa : Serval, cela rime avec Stendhal, mais aussi avec Queval, membre de l’Oulipo, et le nom se retrouve même dans le patronyme de François Erval, éditeur chez Gallimard au début des années 1980 et avec lequel travaille le groupe de l’Oulipo, préparant à ce moment-là le futur Atlas de littérature potentielle. Cela dit, la piste semble mince : « 53 jours » ne paraît pas chez Gallimard, mais chez P.O.L., et Jean Queval n’est pas connu pour ses romans mais davantage pour ses traductions et son travail pour la télévision. La piste du déchiffrement onomastique est complexe, et la difficulté réside également dans le fait que la question choisie, « qui », est trop frontale.
Le coupable ne se livre pas facilement, mais peut-être aurai-je plus de chance avec le complice ? En effet, la quatrième question, « avec qui », semble suggérer que la supercherie est un travail collectif. Or, il y a bien dans le roman des personnages secondaires accompagnant les fauteurs de troubles : Lise, dans la première partie, et Patricia dans la seconde, deux personnages féminins dans un roman qui en est avare. Lise est la dactylographe et amante de Serval, qui l’a secondé dans sa mystification, tandis que Patricia, épouse malheureuse de Serval dans la deuxième partie, est celle qui commandite le manuscrit piégé pour se débarrasser de son mari. Il se trouve que, si l’on fouille un peu, Georges Perec lui-même semble nous mettre sur cette voie : dans l’émission de radio Mi-fugue mi-raisin [25], à laquelle il est invité en novembre 1981, soit quelques mois avant sa mort, Georges Perec liste les cinquante choses qu’il faudrait avoir fait avant de mourir. Dans cette liste, qui est reprise dans Je suis né sous le titre « Quelques-unes des choses qu’il faudrait tout de même que je fasse avant de mourir », et qui ne présente en réalité que 37 « choses », il énonce :
Ah et puis une chose qui fait référence à une carte postale que j’ai reçue un jour, il s’agit d’aller du Maroc à Tombouctou, à dos de chameau, en 52 jours. En plus si on part avec une secrétaire, on peut dicter La Chartreuse de Parme, puisque c’est exactement le temps qu’il a fallu à Stendhal pour écrire La Chartreuse de Parme.[26]
Cette carte postale, c’est celle qui est reproduite sur la couverture de mon édition Folio (« Montage d’après carte postale, collection particulière », indique la quatrième de couverture), et qui est également évoquée page 38 de cette même édition. Il est difficile, alors, de ne pas imaginer que Perec a travaillé à « 53 jours » avec une secrétaire : mais qui serait-elle ? Et qui est ce fameux correspondant, faisant parvenir à Perec la carte postale semblant être à l’origine même du projet ? Faut-il tenter de décrypter les prénoms Lise et Patricia [27] ?
On le voit, de nouveau l’interprétation s’emballe : toutes les pistes explorées semblent renvoyer à différents suspects, dont aucun ne paraît plus coupable que les autres. Cependant, les tours et les détours de l’interprétation semblent construire une réponse possible : celle du projet collectif. « 53 jours », d’une façon ou d’une autre, serait une œuvre collective, imaginée par Perec à partir d’une carte postale qu’on lui aura envoyé précisément parce qu’il saurait en percevoir les potentialités, peut-être réalisée en partie avec l’aide d’une secrétaire, complétée par des amis affligés à la suite de la disparition de l’auteur. Plusieurs éléments corroborent cette supposition.
Le compte rendu du rendez-vous mensuel de l’Oulipo en date du 14 décembre 1979, par exemple, fait état d’un projet énoncé par Perec, dans l’habituelle section « création » : « rom. pol. (homophonie sur les noms d’auteurs de rom. pol.)[28] » ; cela semble prolonger un « défi » évoqué dans le compte rendu du 1e août 1979, dont on ne sait pas vraiment s’il est énoncé par Perec ou un autre membre présent : « le policier où c’est le lecteur qui est l’assassin : les solutions proposées par Braff[ort] et Bénabou sont critiquées [29] ».
Autrement dit, l’idée d’un roman policier oulipien circule, et lorsque ce n’est pas Perec qui en parle, c’est un autre membre du groupe, comme Paul Braffort en décembre 1981 lors d’une réunion lors de laquelle Georges Perec est absent, qui l’énonce : « le roman policier plagié / à partir de chefs d’œuvres du roman policier [30] ». Or une lecture un peu attentive de « 53 jours » permet de remarquer qu’un des noms d’auteur de polar qui ressort le plus explicitement est celui d’Ellery Queen : « comme chez Ellery Queen et quelques autres, le pseudonyme et le héros se confondent, à ceci près que deux écrivains se dissimulent sous le pseudo d’Ellery Queen (F. Danay et M. Lee) [31] ».
Dans tous les cas, donc, si Georges Perec est bien l’auteur légitime de « 53 jours », il n’est pas exagéré de considérer que le projet est au moins au départ collectif [32], et qu’il serait peut-être fructueux « d’être attenti[f] aux rencontres d’écrivains à la surface des textes [33] ».
On peut alors postuler que la réécriture masquée de La Chartreuse de Parme est une première contrainte jouant le rôle de leurre [34], et que la véritable contrainte de « 53 jours » serait cette écriture collégiale, cette auctorialité partagée (d’ailleurs, on rappellera ici que les oulipiens avaient pour habitude, à la fin des années 1970, de se réunir l’été à la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon pour des stages et travaux collectifs), en vertu de ce qu’énonce Jacques Roubaud dans L’Atlas de littérature potentielle préparé à la même époque : « Un texte écrit suivant une contrainte parle de cette contrainte [35] ».
« 53 jours » et l’auctorialité fantôme : œuvre perecquienne, œuvre oulipienne ?
S’il n’est donc pas encore possible de déterminer « qui », précisément, a participé à l’écriture de « 53 jours » (ni s’il est pleinement légitime de prendre au sérieux les soupçons énoncés dans cet article et dans le volume 1 de cette enquête), l’idée d’un projet prenant naissance dans un collectif et trouvant à s’accomplir grâce à ce collectif par-delà la disparition de son auteur mérite d’être considérée. Elle permet de soulever l’enjeu de l’auctorialité au sein de l’Oulipo, qui conçoit la création de façon « démocratique [36] » et qui pratique la littérature comme une activité entre amis.
Camille Bloomfield offre à ce sujet une synthèse importante, rappelant la nature ludique du collectif oulipien ainsi que le modèle « Nicolas Bourbaki, ce groupe de mathématiciens caché derrière un pseudonyme [37] ». Elle expose également la conception « modeste » de l’auctorialité qui prévaut, faisant de l’auteur un artisan forgeant des idées et des formes à mettre à disposition du commun. Si ces remarques permettent d’étudier les ouvrages publiés sous le nom « Oulipo », elles peuvent également éclairer des pratiques plus ambiguës, dont l’architecture auctoriale de « 53 jours »[38].
L’exploration des comptes rendus des déjeuners du groupe à la fin des années 1970 et au début des années 1980 est de ce point de vue instructive : outre le travail collectif assez laborieux [39] autour de la préparation puis de l’édition de L’Atlas de littérature potentielle, on lit une volonté prégnante de prolonger collectivement les travaux fondateurs de Raymond Queneau, décédé en 1976. Par exemple, dans le compte rendu de la séance du 4 octobre 1979, Harry Mathews évoque dans la rubrique « création » un projet intitulé « QUENEL (Queneau + Fournel) [40] », suggérant l’idée d’un prolongement auctorial au-delà de la disparition (une auctorialité fantôme).
Cette obsession du prolongement et de l’hommage – pour faire vivre le groupe et la mémoire du groupe – s’exprime dans des termes similaires après le décès de Georges Perec : le compte rendu du déjeuner de mars 1982 est édifiant. On y lit :
PEREC
H[arry] M[athews] : L’avenir des écrits de Perec. HM a vu POL qui lui a parlé de ce pb. POL veut faire une ed. des œuvres complètes (rachat des droits à Nadeau + textes inédits). POL en a parlé à la cousine de Georges (Lili) : elle est d’accord pour que ce soit J[acques] R[oubaud] et H[arry] M[athews] aidés de M[arcel] B[énabou] et de tous qui s’occupent de l’établissement littéraire du texte. Il faut publier les textes de jeunesse et tous les inédits. […] [41]
Tous nos suspects sont présents : la cousine Lili, potentielle secrétaire, l’implication centrale de Harry Mathews et Jacques Roubaud sous le regard vigilant de Marcel Bénabou, l’ami de toujours né à Meknès, au Maroc, et qui serait peut-être le mystérieux correspondant ayant envoyé la fameuse carte postale « Tombouctou 52 jours » à Perec… Ce même Marcel Bénabou suggèrera, lors du déjeuner de septembre 1982, de consacrer un numéro de la Bibliothèque Oulipienne à Perec : « Hommage à G.P. […] Deux directions : "Je me souviens" + Textes inspirés par l’œuvre de G.P.[42] ».
Si l’on en revient alors à l’œuvre, avec cet éclairage en tête, on ne peut qu’être sensible à la circulation des idées oulipiennes au sein de « 53 jours » : par exemple, le narrateur évoque, au tout début de la première partie, ses occupations pendant les dix jours de l’état d’urgence décrété à Grianta ayant conduit à la suspension de ses activités professionnelles ; voici ce qu’il dit : « j’avais pas mal de choses à lire, entre autres un truc de Rosensthiel sur les labyrinthes, quelques romans policiers, et un recueil de mots croisés qui venait à peine de m’arriver de Paris [43] ».
S’il est difficile de ne pas lire cette phrase dans une perspective métatextuelle – les goûts du narrateur ressemblant étrangement aux préoccupations de Perec lui-même – c’est davantage encore la mention du « truc de Rosensthiel sur les labyrinthes » qui est intéressante. En effet, lors de la séance oulipienne du 24 avril 1979, Pierre et Agnès Rosensthiel sont invités d’honneur : or Pierre Rosensthiel, mathématicien coopté par l’Oulipo en tant que spécialiste des graphes, propose à cette occasion un texte sur le labyrinthe intitulé « Le labyrinthe du témoin »[44]. Georges Perec, absent à ce déjeuner, a pu recevoir une copie de ce document et avoir souhaité en faire écho dans le roman, à moins qu’il ne s’agisse d’un indice – fort indirect – de la création collective à l’œuvre dans cette première partie ?
Un autre indice possible et lui aussi indirect, quoiqu’un peu plus probant, réside dans la comparaison entre le travail réalisé par « l’élève » Bernard Magné lors d’un stage estival oulipien en 1980 à la chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon et un élément structurant « 53 jours » : la réalisation de Bernard Magné, par ailleurs devenu ensuite grand spécialiste de Perec, s’intitule « J’apprends à écrire, ou vingt-sept incipit » [45] et consiste en la réalisation de vingt-sept amorces narratives entrecroisant trois incipits célèbres, Bouvard et Pécuchet, L’Éducation sentimentale et La Chartreuse de Parme. Or, chaque chapitre rédigé de la première partie de « 53 jours » s’ouvre sur une reprise de la Chartreuse [46], procédé sensiblement similaire à ce qui a été entrepris par Bernard Magné.
Cependant, si l’on observe attentivement le premier chapitre de « 53 jours », on s’aperçoit qu’il est également possible de retrouver la présence en creux de l’incipit des deux romans flaubertiens ; si la Chartreuse est présente par le biais de la date du 15 mai – titre du chapitre premier du roman de Perec – Bouvard et Pécuchet s’ouvre sur la mention d’une forte chaleur ainsi que d’un boulevard désert : or, le troisième paragraphe de « 53 jours » semble en faire la paraphrase : « Grianta s’est mise à ressembler à longueur de journée à ce qu’elle n’est d’ordinaire que de midi à cinq heures : une ville morte, écrasée par sa chaleur et son silence [47] ». L’Éducation sentimentale évoque dès la première phrase une date et une heure, le 15 septembre et six heures du matin : dans « 53 jours », on retrouve la date du 15 (mai, certes), et la mention d’un horaire, « six heures du soir [48] » – or la mention de l’horaire est un des éléments qui retient le plus l’attention de Bernard Magné dans l’incipit de L’Éducation sentimentale.
Les idées et les contraintes de création circulent donc ostensiblement au sein du groupe et on peut en donner un dernier exemple : le goût pour l’invention de noms de lieux ayant une consonance réelle. Jean Queval, dans son roman Etc. (1963), imagine la réémergence d’une île engloutie, l’île de Bancboue, en région de Norlandie ; Italo Calvino invente la Cimmérie / Chimmérie dans Si (par) une nuit d’hiver un voyageur (1979) ; Jacques Roubaud prolonge le canular autour de la Poldévie [49] dans le cycle d’Hortense (1985 pour La Belle Hortense) ; et l’on retrouve dans « 53 jours », précisément dans l’intrigue de La Crypte, la ville de Gotterdam. « 53 jours » porte la signature de l’Oulipo de façon certaine.
On le voit, les idées circulent au sein du groupe, elles contaminent les œuvres des uns et des autres, créant une impression générale d’auctorialité diffuse et partagée, encore renforcée par les traductions auxquelles se livrent Georges Perec et Harry Mathews de leurs œuvres respectives [50]. Ces procédés contribuent à entretenir le doute, à nourrir l’interprétation paranoïaque, cherchant à débusquer à la surface du texte les signes de la supercherie : que faut-il penser, par exemple, de cette évocation entre parenthèses concernant Laurence Wargrave, l’auteur du Juge est l’assassin (le roman enchâssé dans La Crypte), indiquant que « Lawrence Wargrave, qui dit "je" dans le livre, se présente comme "un étudiant en criminologie suivant cette enquête comme stagiaire" [51] » ?
Comment ne pas y voir un écho certain avec La Belle Hortense de Roubaud, le personnage d’Arapède, enquêteur stagiaire, et le rôle du narrateur précisément prénommé Georges ( Mornacier, anagramme de romancier ) ? Rappelons ici que La Belle Hortense (1985), pastiche de roman policier, est un des premiers essais romanesques d’un auteur davantage connu pour ses expérimentations poétiques : on peut sans peine imaginer que le travail autour de « 53 jours » ait pu, pour Roubaud, constituer une ouverture vers cette nouvelle forme littéraire.
Que conclure de tout cela, et quel serait le sens à entretenir ce mystère, ce trouble ? Il semble bien que l’enquête n’en soit encore qu’à ses balbutiements, pour la bonne raison que les sources et les indices sont encore très parcellaires.
Comme le dit bien le narrateur de la première partie de « 53 jours », tout ce qui a trait à cette affaire semble n’acquérir un peu d’évidence que pour aussitôt s’estomper, s’évaporer dans le flou, le fugace et l’incertain, s’enliser dans des paperasseries vides de sens et de substance. Les interrogatoires succèdent aux interrogatoires, les dépositions de témoins aux dépositions de témoins, et chaque fois de nouvelles et minuscules contradictions sortent de l’ombre, compliquant un peu plus cette réalité incernable et indiscernable que l’on s’acharne à reconstituer. [52]
Mais cet état d’incertitude est bien normal, car après tout, « je ne suis pas détective [53] » moi non plus, tout au plus une mauvaise lectrice bien décidée à laisser libre cours à son fantasme interprétatif. Et puisque vous m’avez suivie jusqu’ici, lectrice, lecteur, je peux bien vous dire le fond de ma pensée, l’intuition la plus farfelue qui ne me quitte pas depuis toutes ces années (et la lecture de l’article de Cédric Bachellerie) : et si Perec n’était pas vraiment mort en 1982 ?
Si ce qui comptait vraiment, dans tous ces romans policiers enchâssés, était l’idée lancinante que les disparus ne le sont jamais pour de bon [54], à l’image du colonel Chabert de Balzac dont le roman sert d’appui pour concevoir la deuxième partie de « 53 jours » et est abondamment mentionné dans le dossier ? Voici donc reformulée mon hypothèse, de façon à la rendre plus acceptable : malheureusement, Georges Perec est bien mort en 1982, et c’est une immense perte pour la littérature, et pour l’Oulipo ; le projet « 53 jours », qu’il soit pleinement collectif ou ébauché entièrement par Perec après divers échanges amicaux lors des déjeuners oulipiens, serait poussé à son terme précisément pour suggérer une forme de survivance auctoriale possible par-delà la disparition. Peut-être n’y a-t-il pas de réponse à la question suscitée par le roman même et que je me pose, que nous nous posons collectivement autour de « 53 jours » [55], parce qu’y répondre une bonne fois pour toutes mettrait fin à ce jeu ourdi par le fantôme de Perec.
Gaëlle Debeaux.
Pour citer cet article :
Gaëlle Debeaux, "L'affaire "53 jours", volume 2 : peut-on douter de la paternité de Georges Perec ? Etat des lieux d'une enquête en cours", Intercripol - revue de critique policière, "Grands dossiers : contre-enquêtes sur Georges Perec", N°002, Déc. 2020. URL : . Consulté le 6 Mars 2021.
Image :
Fonds Oulipo, Dossiers mensuel, mai 1980. Carte postale Oulipo sur laquelle a été collé un morceau de coupon-réponse indiquant « ne viendra pas ».
Notes :
[1] George Perec, « 53 jours » [1989], édition établie par Harry Mathews et Jacques Roubaud, Paris, Gallimard, « Folio », 1993, p. 26.
[2] Voir Gaëlle Debeaux, Multiplication des récits et stéréométrie littéraire : d’Italo Calvino aux épifictions contemporaines, thèse de doctorat réalisée sous la direction d’Emmanuel Bouju et soutenue en novembre 2017, URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01677450 [consulté le 25 février 2021].
[3] Il s’agit de Cloud Atlas de David Mitchell : Martin Paul Eve, qui a longtemps travaillé sur le roman de Mitchell, a mis au jour l’existence de ces deux versions originales et en a retracé l’histoire : Martin Paul Eve, « "You have to keep track of your changes" : The Version Variants and Publishing History of David Mitchell’s Cloud Atlas », Open Library of Humanities, 2016, URL : https://olh.openlibhums.org/article/10.16995/olh.82/ [consulté le 3 mars 2021].
[4] Il s’agit de House of Leaves de Mark Z. Danielewski (je possède la Full Color Edition, New York, Pantheon Books, 2000). À ce jour, je ne sais toujours pas si mon édition est défectueuse ou si « l’erreur » est volontaire et a été disséminée dans certaines réimpressions afin de prolonger les vertiges herméneutiques.
[5] Il est à noter que le titre de la traduction française du roman de Calvino a évolué alors que je menais ces travaux de recherche, suscitant là aussi une nouvelle instabilité. Je passe sous silence la disparition puis la réapparition d’un autre des textes du corpus d’étude, l’hypertexte de fiction 253 de Geoff Ryman.
[6] Cédric Bachellerie, « "53 jours" : enquête sur un livre-énigme », publié le 12 février 2006 sur son blog personne, URL : http://fcbachellerie.blogspot.fr/2006/02/enqute-sur-un-livre-nigme.html [consulté le 3 mars 2021].
[7] Voir Gaëlle Debeaux, « L’Affaire « 53 jours », volume 1 : exploration de quelques enjeux heuristiques des vertiges de l’attribution », communication présentée dans le cadre du colloque « La propriété de l’impropre. Faux et appropriation », Séminaire de la Villa Finaly organisé par Emmanuel Bouju, Loïse Lelevé et Mazarine Pingeot les 13-15 novembre 2019, dans le cadre du programme « Littérature à crédit. Roman européen contemporain et paradigme fiduciaire » de l’Institut Universitaire de France. Une publication dans la revue Raison publique est imminente.
[8] Pierre Senges, par exemple, m’a fait part de l’étonnante présence de la lettre « e » dans son exemplaire de La Disparition, preuve à l’appui. Maxime Decout, également présent, a évoqué ses propres hypothèses, j’en préserve le secret.
[9] Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 169-170.
[10] Le verbe établir désigne l’action d’installer, de faire tenir durablement, de mettre quelque chose en place, mais également de « façonner, fabriquer ». Pour être tout à fait juste, il faut noter l’emploi spécifique du verbe dans l’expression « établir un texte » : « Retrouver le texte originel à partir des versions tronquées ou altérées, choisir entre les différentes formes d'un texte données par les divers manuscrits anciens celle qui semble être la plus correcte ou la plus authentique » (selon Jean Girodet, Logos, Paris, Bordas, 1976, cité par le Trésor Informatisé de la Langue Française).
[11] Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 63. Voici la citation intégrale : « De toute façon, mon travail n’est pas de faire un rapport de lecture sur La Crypte, mais d’y chercher des éléments susceptibles de nous fournir des indications sur la disparition, celle-ci apparemment bien réelle, de Robert Serval, de son vrai nom Stéphane Réal, à Grianta ».
[12] Ibid., p. 93.
[13] Maxime Decout, Éloge du mauvais lecteur, Paris, Minuit, « Paradoxe », 2021.
[14] Ibid., p. 28.
[15] Ibid., p. 49-51 pour cette citation et celles qui précèdent.
[16] Ibid., p. 68, pour cette citation et la précédente.
[17] Ibid., p. 122.
[18] Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 190.
[19] Jean-Luc Bayard, P.O.L nid d’espions, Paris, P.O.L, 2015, p. 42.
[20] Je parle ici de « méthode » à dessein, prolongeant les propositions de Xavier Garnier qui soutenait en 2004 qu’« il faut envisager la notion de surface comme une proposition de nouveau positionnement critique par rapport aux récits littéraires quels qu’ils soient » (Xavier Garnier, Le Récit superficiel. L’art de la surface dans la narration littéraire moderne, Bruxelles, Peter Lang, 2004, p. 14).
[21] Italo Calvino, Palomar, Jean-Paul Manganaro (trad.), Paris, Éditions du Seuil, 1985, p. 59.
[22] Emmanuel Bouju, Épimodernes. Nouvelles « leçons américaines » sur l'actualité du roman, Québec, Codicille éditeur, 2020.
[23] Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 53.
[24] D’ailleurs, on trouve dans le dossier une allusion à l’importance de ce nom : « En dehors du nom "Serval" il n’y a absol[umen]t aucun lien entre le récit raconté en A et la disparition de l’homme d’affaires Serval » (Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 185). Voir aussi, toujours dans le dossier : « récit A : Serval est un pseudonyme / réel Serval avait un pseudonyme » (ibid., p. 188). Voir également le tableau de correspondance des noms établi page 239.
[25] Précisément lors de sa participation à la série radiophonique dirigée par Jacques Bens, « Les cinquante choses que je voudrais faire avant de mourir », dans l’émission Mi-fugue mi-raisin de Bertrand Jérôme sur France Culture.
[26] Je cite ici à partir de l’article paru sur le site de France culture le 31 mars 2020, rédigé par Agnès Cathou et Camille Renard, URL : https://www.franceculture.fr/litterature/25-choses-a-faire-avant-de-mourir-selon-georges-perec [consulté le 4 mars 2021]. La citation repose ici sur une transcription de l’entretien radiophonique, tandis qu’elle se donne sous forme tronquée dans Je suis né : « Aller du Maroc à Tombouctou à dos de chameau en 52 jours » (Georges Perec, « Quelques-unes des choses qu’il faudrait tout de même que je fasse avant de mourir », Je suis né, Paris, Éditions du Seuil, « La librairie du XXe siècle », 1990, p. 68).
[27] « Lise » fait-il référence à la fameuse cousine Lili, Ela Bienenfeld ? Et le prénom « Patricia » peut-il faire référence à Patricia Cornwell, grande écrivaine américaine de romans policiers ? Cette piste est alléchante, d’autant que le premier roman de cette dernière s’intitule Post Mortem, écho somme toute assez limpide à la parution posthume de « 53 jours »… si ce n’était la date de parution de ce premier roman, 1990.
[28] Compte rendu autographe de Marcel Bénabou de la réunion du 14 décembre, fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1979, décembre 1979, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10010223w# [consulté le 4 mars 2021].
[29] Compte rendu autographe de Marcel Bénabou de la réunion du 1er août, fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1979, août 1979, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100102195 [consulté le 4 mars 2021].
[30] Compte rendu autographe de Michèle Métail de la réunion du 11 décembre, fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1981, décembre 1981, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10010245m/f2.item [consulté le 4 mars 2021].
[31] Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 38.
[32] Tout comme l’enquête menée dans La Crypte, le roman laissé derrière lui par le Serval de la première partie : « À ce stade de l’enquête, il semble déjà acquis, en tout cas du côté des policiers, qu’il s’agit d’une affaire concernant uniquement des ressortissants français, et la responsabilité en est retirée à Blackstone pour être donnée à Derville que viennent bientôt assister deux inspecteurs spéciaux envoyés par le ministère des Affaires étrangères, Boutin et Vergnaud » (Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 48).
[33] Xavier Garnier, Le Récit superficiel. L’art de la surface dans la narration littéraire moderne, op. cit., p. 73.
[34] Raoul Delemazure, dans le « Catalogue raisonné des emprunts intertextuels dans l’œuvre de Georges Perec » (dans Une vie dans les mots des autres, le geste intertextuel dans l’œuvre de Georges Perec, Paris, Classiques Garnier, 2019), interprète le nom de la mine qui fait exploser le véhicule dans La Crypte, CDP 411.38, comme une référence directe au roman de Stendhal : on retrouve en effet les initiales de la Chartreuse de Parme, et Raoul Delemazure précise que « Stendhal commence à rédiger La Chartreuse de Parme le 4 novembre 1838 » (p. 177). On pourrait alors considérer, en laissant libre cours à la mauvaise lecture, que les références à la Chartreuse jouent un rôle superficiel visant à masquer l’éclatement de l’auctorialité.
[35] Jacques Roubaud, Atlas de littérature potentielle, Paris, Gallimard, « Idées », 1981, p. 90.
[36] Camille Bloomfield, « Une écriture réellement collaborative ? Incidences génétiques du fonctionnement démocratique de l’Oulipo », Genesis, 41 | 2015, URL : http://journals.openedition.org/genesis/1549 [consulté le 5 mars 2021].
[37] Ibid.
[38] On notera à ce propos l’étrange mention du compte rendu d’avril 1981, déjeuner lors duquel Perec semble évoquer le projet « 53 jours » : « G.P. Cinquante trois jours (W I P) / 2BO / La cantatrice sauve / Beau Présent », le tout suivi d’une liste de vingt-trois noms d’oulipiens. Voir Compte rendu autographe de Paul Braffort de la réunion du 13 avril, fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1981, avril 1981, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10010238j/f5.item [consulté le 5 mars 2021].
[39] Camille Bloomfield le notait déjà pour les premières réalisations collectives du groupe, dont La littérature potentielle qui paraît en 1973 chez Gallimard : « le projet est long à aboutir, trop long pour qu’on n’y décèle pas des difficultés liées, on va le voir, à des questions autres que littéraires ».
[40] Compte rendu autographe de Paul Fournel de la réunion du 4 octobre, fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1979, octobre 1979, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100102210/f9.item [consulté le 5 mars 2021].
[41] Compte rendu autographe de Paul Fournel de la réunion du 12 mars, fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1982, mars 1982, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10010248z/f10.item# [consulté le 5 mars 2021]. La réflexion autour du prolongement du travail perecquien se déploie sur tout une page, fait notable quand on sait que la plupart des comptes rendus tiennent en une ou deux pages.
[42] Compte rendu autographe de Michèle Métail de la réunion du 20 septembre, fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1982, septembre 1982, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100102534/f4.item.r=septembre%201982%20septembre%201982 [consulté le 5 mars 2021].
[43] Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 15.
[44] Voir Manuscrit dactylographié de Pierre Rosenstiehl intitulé « Le labyrinthe du témoin », fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1979, avril 1979, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10010215c/f6.item [consulté le 5 mars 2021]. Agnès Rosensthiel est la créatrice du personnage pour enfants Mimi Cracra.
[45] Manuscrit dactylographié de Bernard Magné dédicacé à Marcel Bénabou intitulé « J’apprends à écrire, ou vingt-sept incipit… », fonds Oulipo, dossiers mensuels de réunion (1960-2010), 1981, janvier 1981, sur Gallica, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100102356/f13.item [consulté le 5 mars 2021].
[46] Les références sont listées dans le dossier (Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 236).
[47] Ibid., p. 13.
[48] Idem
[49] Voir l’article de Michèle Caudin, « La vérité sur la Poldévie », sur le site de l’Oulipo, URL : https://www.oulipo.net/docannexe/file/20714/poldevie.pdf [consulté le 5 mars 2021], article qui rattache cette invention onomastico-géographique au projet de création collective au cœur de l’Oulipo.
[50] Isabelle Colombat a consacré un article à la question de la traduction dans le groupe de l’Oulipo : Isabelle Colombat, « L’Oulipo du traducteur », Semen, 19 | 2005, URL : http://journals.openedition.org/semen/2143 [consulté le 5 mars 2021].
[51] Georges Perec, « 53 jours », op. cit., p. 56.
[52] Ibid., p. 51.
[53] Ibid., p. 26. C’est précisément ce qu’oppose le narrateur au Consul, au début de la première partie du roman, lorsque celui-ci lui confie la mission de retrouver Serval.
[54] « Ou alors faut-il admettre, ou bien que Rouard s’est suicidé en faisant passer son suicide pour un assassinat, commis par Vichard (mais comment ? Mais pourquoi ?), ou bien que Rouard n’est pas mort ! » (ibid., p. 51).
[55] Il resterait toutefois à aller interroger les vivants…