Intercripol wishes a merry Joe Christmas, and enlightement in 2020 : une enquête impartiale avec de vrais morceaux d'esprit de Noël dedans

 

Ce n’est pas parce que vous êtes encore en train de digérer votre dinde farcie à la bûche aux marrons qu’il faut oublier de mener l’enquête.

 

 

Ce n’est pas à la justice de trinquer pour votre rituelle orgie lipidique de fin d’année, sapristi.  

 

Intercripol vous propose donc d’égayer les frimas et a déposé dans vos petits souliers un cold case de circonstance : le cas criminel (non) narré dans Light in August (Lumière d’Août, 1932) de William Faulkner.

 

 

Entre autres vertus, l’excellent Conscience et roman de Jean-Louis Chrétien (éd. de Minuit, 2009, t. II ) attire notre attention sur les ténèbres qui, révélées par la narration faulknerienne, entourent aussi bien les pensées profondes des personnages que les circonstances du meurtre :

 

Ellipse totale (…) du meurtre de Joanna Burden par Joe Christmas : il y a le récit de ce qui précède et de ce qui suit, mais pas de l’acte même ni de ses modalités, à tel point qu’un critique est allé jusqu’à affirmer, de façon indéfendable, qu’on ne savait pas si c’était bien Christmas qui l’avait commis !  (p. 245)

 

Certes, Jean-Louis Chrétien balaie d’un revers de main l’hypothèse de l’innocence du protagoniste ; mais il renvoie dans une note à l’étude de Millgate (News Essays on Light in August, éd. Millgate, Cambridge, 1987, p. 42), qui, précise-t-il, « cite un article à ce sujet ».

 

Une telle désinvolture face à une potentielle erreur judiciaire ne saurait prévaloir à Intercripol.

 

Le fait, indiscutable, est que le pudique et délicat auteur de Lumière d’Août a choisi de détourner le faisceau de la narration de cet épisode atroce – et que tout lecteur en est réduit à des conjectures sur la question.

 

 

 

 

 

 

Avec la jeune fille perplexe dont la photographie orne l'édition de poche, nous sommes donc en droit de nous demander si Jean-Louis Chrétien, berné par une trompeuse évidence, à l’instar de plusieurs générations de lecteurs, ne  va pas un peu vite en besogne, et de réévaluer avec une froide et impartiale lucidité les éléments qui semblent accabler le personnage.

 

 

 

 

  Faulkner, à propos du poème de Wallace Stevens, Thirteen ways of looking a blackbird, suggérait que le lecteur, ayant accès à tous les points de vue limités des personnages, était seul en mesure de découvrir la vérité qui, dans la vie réelle, nous échappe fatalement :

 

I think that no one individual can look at truth. It blinds you. You look at it, and you see one phase of it. Someone else looks at it and sees a slightly awry phase of it, but taken all together, the truth is in what they saw, though nobody saw the truth intact.  (…) It was, as you say, thirteen ways looking at a blackbird. But the truth, I would like to think, comes out, that when the reader has read all these thirteen different ways of looking at the blackbird, the reader has his own fourteenth image of that blackbird, which I would like to think is the true one.

 

(Je crois qu’aucun individu ne peut seul voir toute la vérité, elle vous aveugle. Vous la regardez et vous n’en voyez qu’un côté, un autre la regarde et voit l’un des côtés légèrement de travers. Dans l’ensemble, la vérité c’est bien ce qu’ils ont vu, mais personne ne l’a vue toute entière (…) Comme vous dites, ce sont les treize façons de regarder un merle. Mais la vérité, j’aimerais à le penser, est que lorsque le lecteur a lu ces treize façons de regarder le merle, il a sa quatorzième image à lui de ce merle, laquelle, je voudrais le croire, est la bonne.)

 

Peut-être, en cette période de trêve et de fraternité, est-il temps de chercher une quatorzième façon de regarder Joe Christmas (et plus si affinités) ?

 

Nous invitons donc les détectives intéressés à suivre cette piste et à collecter les indices tangibles permettant d’établir ce qui s’est réellement passé.

 

Cette année, pensez à ceux que le destin a foudroyés. Faites un cadeau à un suspect trop vite condamné. Laissez une chance à Joe Christmas. Et déterminez si un autre coupable est envisageable.

 

 

TOUTE L’EQUIPE D’INTERCRIPOL

VOUS SOUHAITE

UNE TRES BONNE ANNEE 2020 !

 

 

Et nous espérons toutes et tous vous retrouver pour une année du Rat de Métal riche en nouvelles aventures...

 

 

 

 

Par Caroline Julliot (texte)/Elsa Nedelec (Gif)

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